ERVDITIO ANTIQVA
Revue électronique de l'érudition gréco-latine


Volume 11 (2019)
Résumés des articles


© Kunsthistorisches Museum, Vienna

Diane Ruiz-Moiret – Tite-Live et les maladies pestilentielles

Nous nous intéressons ici au vocabulaire utilisé par l’historien Tite-Live pour nommer et décrire les maladies pestilentielles, dont l’Histoire Romaine atteste la fréquence et la gravité dans la Rome antique. L’historien emploie six substantifs (pestilentia, morbus, pestis, clades, malum et tabes), dont l’usage spécifique lui permet d’insister tour à tour sur tous les aspects de la pestilence. L’étude de ce lexique et sa comparaison avec certains passages des traités de Celse et de Pline révèlent la précision des descriptions de Tite-Live et nous invitent à réévaluer l’intérêt qu’il porte aux connaissances médicales qui se développent en son temps.

This paper is interested in the vocabulary used by the histor ian Livy to name and describe the pestilential diseases, of which his work Ab Urbe Condita testifies the frequency and gravity in ancient Rome. Livy uses six different substantives (
pestilentia, morbus, pestis, clades, malum and tabes), the specific use of which allows him to insist on all aspects of pestilence.The study of this lexicon and its comparison with certain passages of Celsus and Pliny reveal the precision of Livy’s descriptions and invite us to reevaluate his interest in the medical knowledge developing in his time.

Sandra Jaeggi-Richoz – Enquête sur un arbre animal : le « figuier-de-bouc », nourricier et fécondant

Omniprésent dans le monde monde méditerranéen, le figuier est mentionné par de nombreux auteurs, médecins, biologistes, botanistes, naturalistes, philosophes mais aussi par les satiristes et les mythographes. En raison surtout de son fruit abondant et de son suc « lacto-miellé », il a alimenté l’imaginaire des Anciens qui en ont fait un arbre à forte connotation sexuelle, aux bénéfices thérapeutique et nourricier. Encadrant, à l’époque augustéenne, la scène des jumeaux Romulus et Rémus allaités par la Louve, le figuier alors nommé Ruminal participe de manière plus active qu’il n’y paraît à cet allaitement divin. Au centre des rites féminins durant la fête des Nones caprotines,ce figuier caprificus se révèle pourtant être un mâle et un « bouc » dont on attendait probablement qu’il féconde les femmes qui lui sacrifiaient le lait de ses propres branches.

Omnipresent in the Mediterranean world, the fig tree is mentioned by many authors, doctors, biologists, botanists, naturalists, philosophers but also by satirists and mythographers. Especially because of its abundant fruit and its “lacto-honey” juice, it fed the imagination of the Ancients who made it a tree with strong sexual connotations, with therapeutic and nourishing benefits. Framing, in the Augustan period, the scene of the twins Romulus and Remus being suckled by the She-wolf, the fig tree then named Ruminal participates more actively than it seems in this divine suckle. At the centre of the feminine rites during the feast of the Nones caprotines, this caprificus fig tree turns out to be a male and a “goat” that was probably expected to impregnate the women who sacrificed the milk from its own branches.

Leandro Tristão – Bilan historiographique de l’étude de la médecine en Lusitanie

Nous avons effectué une analyse historiographique sur la médecine pratiquée en Lusitanie à l’époque romaine du ier au iiie siècle ap. J.-C. Cette analyse s’est centrée sur des témoignages archéologiques, littéraires et épigraphiques. Concernant les médecins en Lusitanie, nous décrivons la distribution des inscriptions connues à ce jour, certains objets archéologiques associés à la pratique médicale, tout comme ses contextes archéologiques, ainsi que des sources écrites sur la médecine lusitanienne.

We have carried out a historiographical analysis on the medicine practiced in Lusitania during the Roman period from the 1st to the 3rd century AD. This analysis focused on archaeological, literary and epigraphic evidence. Concerning doctors in Lusitania, we describe the distribution of inscriptions known to date, certain archaeological objects associated with medical practice, as well as its archaeological contexts, as well as written sources on Lusitanian medicine.

Fabio Spadini – Pierres gravées et mélothésie

Dans la glyptique astrologique médicale de l’époque romaine impériale les principes qui régissent le transfert de puissance de la pierre gravée au corps humains se fondent sur les doctrines de mélothésie. À l’intérieur de cette catégorie, l’effet bénéfique d’une planète ou d’une constellation zodiacale peut guider le choix de la pierre dans des buts thérapeutiques. Notre enquête vise tout d’abord à examiner les critères principaux qui permettent de définir un motif sur une intaille comme astrologique. Successivement, l’analyse des doctrines de mélothesie (où à chaque partie du corps humain correspond un astre bien précis) permettra d’évaluer comment cette association permet le recours à des remèdes issus de gemmes qui ont des affinités naturelles avec les organes malades par l’intermédiaire des corps astraux qui leur sont liées (planètes, décans, signes du Zodiaque) afin de les guérir.

In medical astrological glyptics of the Imperial Roman time, the principles governing the transfer of power from the carved stone to the human body are based on the doctrines of melothesia. Within this category, the beneficial effect of a planet or a zodiacal constellation can guide the choice of stone for therapeutic purposes. Our investigation aims first of all to examine the main criteria which make it possible to define a motif on an intaglio as astrological. Successively, the analysis of the doctrines of melothesia (where to each part of the human body corresponds a very precise star) will allow us to evaluate how this association enable the recourse to remedies resulting from gems which have natural affinities with the sick organs through the astral bodies which are linked to them (planets, decans, signs of the Zodiac) in order to heal them.

Lucas Rascle – Le traitement des citations dans les Lettres de la Collection hippocratique : le cas des lettres 18 à 21

Les textes épistolaires apocryphes de la Collection hippocratique occupent une place singulière au milieu des traités médicaux, et l’usage de la citation, notamment d’éléments tirés du reste de la Collection, est une part essentielle de leur stratégie de légitimation : postérieures à la plupart des traités, ces lettres empruntent avec plus ou moins d’exactitude un vocabulaire et un système de pensée. Cela est plus visible encore dans l’échange entre Hippocrate et Démocrite, où le médecin doit justifier ses aptitudes face au philosophe. Nous étudions tout particulièrement les lettres 19 et 21, qui sont à la marge des autres lettres et qui sont presque intégralement composées de citations ou reformulations d’autres passages des traités attribués au maître. En reconstruisant une argumentation à partir de fragments de diagnostics et de traitements, d’origine explicitement identifiée ou non, ces deux textes nous montrent Hippocrate et Démocrite rivalisant de savoir. Entre fidélité au contexte d’origine et recomposition du sens, ces lettres proposent des patchworks de citations remarquables dans la série d’échanges épistolaires.

Spurious epistolary texts from the Hippocratic Corpus have a special place among medical treatises, and the use of quote, especially from material drawn from the rest of the Corpus, is an essential part of the strategies they use to achieve legitimacy: since they are more recent than most of the treatises, these letters borrow with more or less accuracy their vocabulary and their schemes of thought. This is even more patent in the exchange between Hippocrates and Democritus, where the physician must justify his ability to the philosopher. We focus on both letter 19th and 21st, which are not exactly like the other ones and are almost entirely made of quotes and rephrasing of other parts of treatises from the Corpus. By reconstructing the argumentation from pieces of diagnostics and treatments, whose origin may or may not be explicitly mentioned, these two epistles present us with Hippocrates and Democritus competing with their knowledge. Between truthfulness to the original context and recreation of meaning, these letters offer a remarkable mosaic of quotes, at least in this series of epistolary exchange.

Antonio Ricciardetto – La ponctuation dans les papyrus grecs de médecine

Malgré l’intérêt croissant porté, depuis trois décennies, à l’étude des signes graphiques – esprits, accents, marques de ponctuation, signes critiques ou diacritiques, numérotation – qui accompagnent les textes grecs et latins écrits sur papyrus, parchemin, ostracon ou tablette, les signes attestés dans les papyrus littéraires grecs de médecine n’ont pas encore fait l’objet, à de rares exceptions près, comme l’Anonyme de Londres, d’une enquête systématique. Poursuivant nos recherches sur les pratiques scribales dans les écrits médicaux grecs, c’est cette lacune que nous nous proposons de combler, en répertoriant l’ensemble des signes graphiques d’organisation du texte, ou marques de ponctuation lato sensu, présents dans les papyrus médicaux grecs des époques ptolémaïque, romaine et byzantine, en vue de mieux comprendre comment les anciens concevaient la mise par écrit d’œuvres médicales, et comment ils lisaient et utilisaient ces dernières. Ce faisant, on relève les ressemblances et les différences dans la forme et dans l’utilisation des signes suivant le support et suivant les périodes envisagées.

Despite the growing interest in the study of graphic signs – breathings, accents, punctuation marks, critical signs, diacritics, and numbering – that accompany Greek and Latin texts on papyrus, parchment or ostraca, the signs used in the Greek medical papyri have not yet been the subject of a systematic investigation (with rare exceptions, like the Anonymus Londiniensis). Following my previous works on scribal practices in Greek medical writings, I intend, in the present study, to further fill this gap. By listing all the punctuation marks attested in the medical papyri of the Ptolemaic, Roman and Byzantine eras, I endeavor to better understand how the ancients conceived the writing of medical works, and how they read and used them. In doing so, I note the similarities and differences in the form and function of signs according to the writing material used and the time periods considered.

Luigi Pirovano – Il “nuovo” Tiberio Claudio Donato e la tradizione indiretta

La constitutio textus del commento di Tiberio Claudio Donato ad Aen. 6, 1-157 ha fin qui tratto limitato giovamento dal confronto con la tradizione indiretta. Ciò nonostante, qualche interessante elemento di novità può essere introdotto grazie all’utilizzo delle annotazioni donatiane della cosiddetta “famiglia” β (preservate dai codici AuOxReWo), che risulta indipendente rispetto alla “famiglia” α (Tu) e non è stata finora tenuta in considerazione dai filologi.

The constitutio textus of Claud. Don. ad Aen. 6, 1-157 has so far benefited little from the indirect tradition. However, some interesting suggestions can be offered by the scholia belonging to the so-called β “family” (preserved by AuOxReWo), which is independent from the α “family” (Tu) and has not yet been considered by philologists.

Christophe Burgeon – Caton l’Ancien : un exemplum de sapientia pour Cicéron ?

Dans l’œuvre cicéronienne, Caton était considéré comme un modèle social et politique, en dépit de sa personnalité austère et rigide, notamment en raison de sa sagesse peu commune. La volonté de porter celle-ci aux nues témoigne de la part de Cicéron d’un désir de dresser le portrait d’un exemplum moral dont les actes, globalement positifs et moralement louables, faisaient écho à ceux des grandes figures républicaines tel Scipion Émilien, que l’Arpinate associe d’ailleurs étroitement à Caton dans son De Senectute. Cependant, certains indices donnent à penser que, pour Cicéron, la figure catonienne, si elle était résolument tournée vers la sagesse civile et militaire, n’était pas celle du sage stoïcien autosuffisant dont la rectitude des actes était inaltérable.

In the Ciceronian work, Cato was considered a social and political model, despite his austere and rigid personality, especially because of his unusual wisdom. The desire to bring it to the skies testifies to Cicero's desire to paint a portrait of a moral exemplum whose actions, generally positive and morally commendable, echoed those of great republican figures such Scipio Emilian, that the Arpinate closely associates with Cato in his De Senectute. However, certain indications suggest that, for Cicero, the Catonian figure, if it was resolutely turned towards civil and military wisdom, was not that of the self-sufficient Stoic sage whose rectitude of acts was unalterable.

Cécile Margelidon – Emplois de l’étymologie dans le De proprietate sermonum de Nonius Marcellus

Auteur méconnu et difficile à situer, Nonius Marcellus est notre seule source pour un nombre important de fragments poétiques, des Satires Ménippées en particulier. Sa Compendiosa doctrina, vingt livres formant un abrégé de ce qu’il faut savoir du lexique latin, rassemble de façon hétérogène des remarques de divers ordres. Le premier de ses livres, le De proprietate sermonum, s’attache à la correction lexicale. L’étymologie y constitue un outil de commentaire particulièrement efficace, mais est aussi à plusieurs reprises présente dans les citations poétiques sous différentes formes. Ce sont les liens entre ces deux emplois de l’étymologie que nous essaierons de cerner, la manière dont Nonius recourt à l’étymologie et dont il explique les jeux étymologiques des poètes latins, ainsi que les rapports entre les deux approches.

Bad known et difficultly situated between Gellius and Priscian, Nonius Marcellus is our only source for a great number of poetic fragments, first of all, Varro’s Menippean Satires. His Compendiosa doctrina, a twenty books’ lexicon, collects heterogeneous lexical notices. The first of these books, the De proprietate sermonum, is focused on lexical correctness. Etymology is there a very useful commentary tool, but also a stylistic figure included in poetic citations. We aim at examining both uses, the way Nonius Marcellus uses each of them and his explanation of Latin etymological wordplay, and how a Latin grammarian can combine both approaches.

Serge Bardet – L’intertextualité homérique dans la Guerre des Juifs 5, 55-66 de Flavius Josèphe

Les § 55-66 du livre 5 de la Guerre des Juifs ne sont, à première vue, qu’une anecdote banale sur une patrouille de reconnaissance qui a failli mal tourner pour Titus, pendant le siège de Jérusalem par les légions romaines. En réalité, le récit emprunte à l’Iliade divers éléments (en particulier 8, 58-166 pour les éléments narratifs) qui, examinés de près, font apercevoir plusieurs étages de signification : glorification du prince romain, certes ; mais aussi assimilation de Jérusalem à Troie, berceau de Rome, la maîtresse de l’œkoumène.

For anybody reads the Jewish War 5, 55-66, it seems at first glance it is just about a reconnaissance patrol which nearly went awry for Titus, while he besieged Jerusalem. Actually, the narrative borrows to various elements in Homer’s Iliad (chiefly 8, 58-166), which, if closely examinated, let discern several levels of significance : obviously, Roman prince is here extolled ; but Jerusalem is also likened to Troy, the matrix of Rome, which then became the ruler of the known world.

Tiziano Ottobrini, Può esistere una città di schiavi? Distopia storica della doulopolis (Arist., Pol. 1283a18-19)

Il presente studio intende esaminare la singolare questione legata alla natura e alla plausibilità storica dell’esistenza di una città di schiavi (doulopolis). Le attestazioni superstiti (soprattutto di carattere paremiografico) oscillano, infatti, affermando chiaramente che una città di schiavi per sua natura non esiste né può esistere ma, contestualmente, riferiscono casi di città formate da soli schiavi. L’analisi delle singole fonti verrà condotto con il ricupero della centralità della testimonianza di Aristotele (per solito trascurato dalla letteratura critica recente in ordine alla doulopolis), mostrando come l’apparente contraddizione si sciolga ove si consideri la natura assiologica della polis antica.

This essay aims at investigating the concept of doulopolis, since it seems to be contradictory: ancient attestations (mainly proverbs) declare it is not possible that a city of slaves really exists but, along with this, they also attest some occurrences of cities inhabited only by slaves. Importance will be paid to Aristotle’s thought (often neglected on doulopolis by scientific literature), since a polis is not only a settlement of people but a community that aspires to be happy (eudaimon). As a result, in this axiological view of what a polis is, a city of slaves would not be a real city and a real doulopolis does not exist as polis but only as an agglomerate.