ERVDITIO ANTIQVA
Revue électronique de l'érudition gréco-latine


Volume 9 (2017)

Résumés des articles


© Kunsthistorisches Museum, Vienna

Emmanuelle Morel, Une trace du vocabulaire médical dans la poésie hellénistique : le verbe χυτλ?ω

Le verbe χυτλ?ω est un hapax homérique qui semble signifier « oindre, laver » et qui est réutilisé au iiie siècle par Lycophron, Callimaque et Apollonios de Rhodes, dont on sait qu’ils ont été influencés de manière importante par le lexique homérique. Pourtant, une étude précise des différentes attestations de ce verbe laisse entrevoir qu’il prend dans la poésie hellénistique un sens plus spécialisé que celui que l’on trouvait dans la langue homérique puisque, chez les poètes alexandrins, il est systématiquement utilisé pour décrire le premier bain que l’on donne à un nouveau-né, ce qui laisse penser que « donner le premier bain » est peut-être le sens que prend χυτλ?ω en langue et que nous avons peut-être donc là, dans la langue poétique, une trace du vocabulaire médical de l’époque alexandrine.

The verb χυτλ?ω is an Homeric hapax legomenon which reappears in later poetry, namely in Lycophron’s, Callimachus’ and Apollonius of Rhodes’ works. Those poets’ tendency to use Homeric vocabulary is well-known, but in this specific case, the verb’s meaning might have shifted from the very general “anointing oneself, washing oneself” in Homer to the more specific “washing a newborn for the very first time” in Hellenistic poetry, as demonstrated by the fact that the later poets only ever use this verb to describe the first bath given to a newborn child. Therefore, the verb χυτλ?ω might not only illustrate the Hellenistic tendency to reuse Homeric words, but might also offer us a glimpse into what might have been the medical vocabulary of the Hellenistic times.

Jeanne Mathieu, Les noms des petits médicaments dans le lexique pharmaceutique antique grec et latin : suffixation et métaphore à l’œuvre

Nous nous intéressons ici aux noms donnés, en latin et en grec, à de petits médicaments solides sphériques ou allongés prescrits par les médecins et hippiatres antiques pour soigner diverses maladies. Nous menons notre enquête à partir de l'analyse de deux créations lexicales attestées dans les Compositiones de Scribonius Largus (ier siècle ap. J.-C.) : globulus et pilula. Cette analyse, menée tout d’abord dans le contexte des Compositiones, ouvre des pistes de réflexion sur un ensemble de quatre autres diminutifs (pastillus, καταπ?τιον/catapotium, κοπτ?ριον et σφαιρ?ον) dont l’étude dans le corpus médical grec et latin souhaite apporter des éléments nouveaux sur l’évolution du lexique pharmaceutique au ier siècle de notre ère.

Dieser Artikel handelt von den verschiedenen Namen, die Human- und Veterinärmediziner auf griechisch und latein für die Beschreibung kleiner, fester kugelförmiger oder eiförmiger Medikamente verwenden. In dieser linguistischen Studie möchten wir zwei Diminutive analysieren: globulus und pilula, zwei Neologismen, die in den Compositiones des Scribonius Largus, eine Sammlung medizinischer Rezepturen datierend aus dem 1. Jh. n. Chr., zum ersten Mal Verwendung finden. Die Analyse wird erst anhand der Compositiones und später vergleichend mit vier anderen Diminutiven (pastillus, καταπ?τιον/catapotium, κοπτ?ριον und σφαιρ?ον)  durchgeführt, deren Abhandlung die Entwicklung des pharmazeutischen Wortschatzes im 1. Jahrhundert unserer Zeitrechnung zeigen soll.

Muriel Pardon-Labonnelie, Tony Silvino, Catherine Lavier, Marlène Aubin, Rémi Brageu, Elsa Van Elslande, Un nouveau cachet à collyres découvert à Lyon en mars 2015

Un nouveau cachet à collyres, découvert à Lyon en mars 2015, présente des caractéristiques morphologiques et épigraphiques particulièrement intéressantes pour l’histoire de l’ophtalmologie.

A new collyrium stamp, discovered in Lyon in March 2015, exhibits morphological and epigraphic characteristics which present crucial data for the history of ophthalmology.

Vivien Longhi, Images et conceptions du temps de la maladie chez les médecins grecs classiques

Comment les médecins anciens produisent-ils leurs pronostics et le temps de la maladie ? Dans des traités anciens de médecine grecque classique comme Maladies II 1 et 2, les images de l’éruption des fluides et du feu intérieur du corps permettent de représenter le déroulement des pathologies : le temps est celui que le corps met spontanément à évacuer certaines humeurs. Le médecin peut tenter un autre pronostic qui tienne compte de son action thérapeutique sur la chaleur du corps et sur la concentration des liquides sous pression : c’est un temps en partie modelé par la technique médicale. Il est quoiqu’il en soit conçu matériellement, d’après l’écoulement de fluides dans un corps-clepsydre explosif. Dans des traités différents et postérieurs, comme Epidémies I-III, on est frappé par la mise en avant d’une nouvelle conception du temps : ce dernier est parfois pensé abstraitement des cheminements matériels et cachés des fluides corporels pour être décrit par sa seule structure numérale ou mathématique. La temporalité ainsi définie devient par ailleurs cause à part entière de l’évolution de la maladie, sans besoin d’autres explications. Cette diversité des conceptions du temps, qui se retrouve parfois chez un même auteur, interroge.

How do Greek physicians prognosticate and produce discourses about time in chronic and acute diseases? In Diseases II 1 and 2, two ancient treatises of Greek classical medicine, outbreaks of bodily humours and internal fire are the representations upon which the prognosis is created. The physician can also modify his prognosis according to his own intervention to change the balance of fluids and fire. In both cases (whether refering to a more physical or to a more technical conception of time) this is a material conception: the body is thought of as a kind of clepsydra, out of which fluids can suddenly spring. In more recent treatises, especially in The Epidemics I-III, a new conception arises. Time is now often abstract, without reference to the movements of humours. The rhythm of pathology itself becomes essential. Numbers begin to act as the real cause of the evolution of diseases. How can ancient physicians admit such different conceptions of time?

Divna Soleil, La santé et la maladie dans la collection hippocratique : quels rapports ?

Cette contribution réexamine l’idée selon laquelle certains auteurs hippocratiques utilisent déjà une conception des rapports entre la santé et la maladie qui, connue sous le nom de « principe de Broussais », sera celle d’A. Comte et de Cl. Bernard. L’analyse du traité Ancienne médecine nous invite à nuancer cette affirmation, alors que d’autres textes hippocratiques permettent de saisir toute la complexité des rapports que ces auteurs établissent entre la santé et la maladie. Ainsi, malgré une certaine proximité entre les conceptions hippocratique et bernardienne du rapport entre la santé et la maladie, il s’avère qu’une différence fondamentale existe entre les deux, dans la mesure où les hippocratiques admettent l’existence du mal.

This paper reconsiders the analysis stating that some hippocratic authors are already using a conception of the relation between health and disease, that will become widely spread in the XIXth century medicine and known as the “Broussais’s principle”. A careful reading of the treatise On Ancient Medicine and of some other hippocratic texts allows us to throw somewhat different light on this problem and to grasp all the complexity of the ideas of health and disease in the Corpus hippocraticum. So, even though ancient and XIXth century positivist approaches to the health and the disease converge as to their dynamic conception, the inexistence of the “Broussais’s principle” implies a fundamental divergence in the way those authors conceive of disease, possibly seen as an evil.

Emmanuel Plantade, Tertullien, témoin des contes d’Afrique du nord

On examine de nouveau un témoignage de Tertullien sur les contes oraux. Contrairement à l’opinion des folkloristes, il faut y voir deux titres distincts, ancrés dans la tradition d’Afrique du nord. L’un d’eux renvoie probablement au conte-type ATU 709, mieux connu sous le nom de « Blanche-Neige ».

Tertullian’s testimony on ancient folktales is here newly studied. Although folklorists usually state that only one tale is meant by the apologist, we actually ought to distinguish two titles, which reflect the North African oral tradition. One of them is probably tied to ATU 709, better known as « Snow White ».

Christophe Burgeon, La vie de Lollia Paulina à travers celles des empereurs Caligula et Claude

Lollia Paulina, qui était la petite-fille de Marcus Lollius et la belle-sœur de Decimus Valerius Asiaticus, épousa en premières noces Memmius Regulus, un légat au service du pouvoir, avant d’être forcée de s’unir à Caligula. Vraisemblablement à la fin de l’an 39, le couple impérial se sépara, la jeune femme n’ayant pas pu tomber enceinte rapidement. Après son divorce de l’empereur, Lollia Paulina fut, une fois encore, contrainte de respecter les impératifs fixés par Caligula. Le choix de Claude de privilégier sa nièce à Lollia est moins empreint de rationalité. En effet, au lendemain de la mort de Messaline, alors qu’elle avait été pressentie pour devenir la nouvelle impératrice, elle fut finalement évincée par Claude, au profit d’Agrippine pour des motifs obscurs. La « mortelle ennemie de Lollia », avec l’accord tacite de son oncle et nouveau mari, s’acharna contre elle au point de la faire exiler, puis assassiner.

Lollia Paulina, who was the granddaughter of Marcus Lollius and the sister-in-law of Decimus Valerius Asiaticus, married at first marriage Memmius Regulus, a legate in the service of power, before being forced to unite with Caligula. Presumably at the end of the year 39, the imperial couple separated, the young woman could not get pregnant quickly. After her divorce from the emperor, Lollia Paulina was, once again, forced to respect the imperatives set by Caligula. Claudius’ choice of privileging his niece to Lollia is less marked by rationality. Indeed, the day after the death of Messaline, when she had been approached to become the new empress, she was finally ousted by Claudius, for the benefit of Agrippina for obscure reasons. The “deadly enemy of Lollia”, with the tacit consent of her uncle and new husband, fought against her to the point of exile, then murder.